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RÈGLES MINIMALES POUR
LA DIFFUSION DE L’INFORMATION JUDICIAIRE PAR INTERNET

Règles d’Hérédia

[Finalité]

Règle 1. La finalité de la diffusion sur Internet des sentences et décisions de justice sera: [1]

(a)   La connaissance de l’information jurisprudentielle et la garantie de l’égalité devant la loi;

(b)  Essayer d’atteindre l’objectif de la transparence de l’administration de la justice.

Règle 2. La diffusion par Internet de l’information procédurale aura pour objet de garantir l’accès immédiat des parties ou de toute personne qui a un intérêt dans la cause, aux modifications, assignations ou notifications des susdits procès.

[Droit d’opposition de la personne concernée]  

Règle 3. On reconnaîtra à la personne concernée le droit de s’opposer, gratuitement et sur demande préalable, à tout moment et pour des raisons légitimes tenant à sa situation particulière, à ce que les données la concernant soient diffusées, sauf lorsque des dispositions contraires du droit national s’appliquent. Dans l’hypothèse où il serait déterminé, d’office ou à la demande de l’une des parties, que les données de personnes physiques ou juridiques sont diffusées illégitimement, elles devront être effacées ou justement rectifiées.  

[Adéquation à la finalité]  

Règle 4. En toute hypothèse, les moteurs de recherche seront adaptés à la portée et aux finalités de la diffusion de l’information judiciaire. [2]  

[Equilibre entre transparence et droit à la vie privée]  

Règle 5. Les droits à la vie privée et à l’intimité prévalent quand il s’agit de données personnelles concernant des enfants, des adolescents (mineurs) ou des personnes incapables; ou des affaires familiales; ou lorsqu’elles révèlent l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l’appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données relatives à la santé et à la sexualité; [3] aux victimes de violence sexuelle ou domestique; ou lorsqu’il s’agit de données sensibles ou de publication restreinte selon les dispositions applicables des législations nationales [4] ou qu’elles aient été ainsi considérées par la jurisprudence émanant des instances chargées du contrôle de l’application des droits fondamentaux. [5]

Dans ces hypothèses, il est préférable que les données personnelles des parties, des coadjuvants, des parties qui se joignent à la cause, et des tiers et témoins soient supprimées, anonymisées ou initialisées, [6] sous réserve que la personne intéressée demande expressément le contraire et que cela soit pertinent selon les termes de la législation applicable.  

Règle 6. La transparence et le droit d’accès à l’information publique prévalent dans l’hypothèse où la personne concernée est devenue volontairement publique et que le procès est relatif à sa notoriété.[7] Sont exclues cependant de ce principe les questions relatives à la famille ou celles pour lesquelles il y existe une protection légale spécifique.  

Dans ces situations, lors de la diffusion de l’information judiciaire, on pourra conserver les noms des parties au procès mais on évitera de citer leurs adresses ou d’autres renseignements qui permettent de les identifier.  

Règle 7. Dans tous les autres cas, on cherchera à atteindre un équilibre qui garantisse ces deux droits. Cet équilibre pourra être mis en place :  

(a)    dans les bases de données jurisprudentielles, en configurant des moteurs de recherche qui ignorent les noms et données personnelles;  

(b)   dans les bases de données d’information judiciaire, en n’utilisant comme critère de recherche que le numéro d’identification attribué à l’affaire judiciaire.

On évitera de présenter l’information sous forme de listes triées par des critères autres que le numéro de dossier au procès ou que le numéro de greffe de la décision de justice ou par un descripteur thématique.

Règle 8. Le traitement de données relatives aux infractions, aux condamnations pénales ou aux mesures de sécurité ne pourra être effectué que sous le contrôle de l’autorité publique. Un recueil exhaustif de condamnations pénales ne peut être tenu que sous le contrôle de l’autorité publique. [8]

Règle 9. En rédigeant leurs sentence ou les autres décisions et actes de procédure,[9]  les juges feront de leur mieux pour ne pas mentionner des faits non essentiels ou relatifs à des tiers; ils essaieront de ne mentionner que les faits et renseignements personnels qui sont strictement nécessaires pour fonder leurs décisions, sans envahir la sphère de l’intimité des personnes mentionnées. Cette règle ne s’applique pas lorsque quelques renseignements sont consignés à des fins purement statistiques, sous réserve que les dispositions sur la vie privées de la présente Déclaration soient respectées. Il est aussi recommandé d’éviter de faire mention de détails qui pourraient léser des personnes juridiques (morales) ou de donner des détails excessifs sur les moda operandi qui pourraient pousser à commettre certains délits.[10] Cette règle est applicable, le cas échéant, aux publications judiciaires.  

Règle 10. Les règles ci-dessus devront être observées lors de la conclusion de conventions avec les maisons d’édition judiciaires.  


[Définitions]  

Données personnelles : les données concernant une personne physique ou morale identifiée ou identifiable qui sont susceptibles de révéler des informations sur sa personnalité, ses relations affectives, son origine ethnique ou raciale ou qui font référence à ses caractéristiques physiques, morales ou émotionnelles, à sa vie affective et familiale, à son adresse physique et électronique, à son numéro national d’identification, à son numéro de téléphone, à son patrimoine, à son idéologie et ses opinions politiques, à ses croyances ou convictions religieuses ou philosophiques, à son état de santé physique ou mentale, à ses préférences sexuelles ou toute autre information qui affecte son intimité ou son autodétermination informative. Cette définition doit s’interpréter en fonction des dispositions législatives nationales pertinentes.  

Moteur de recherche : système de recherche des sites Internet des Pouvoirs Judiciaires qui permet de trouver et d’accéder dans une base de données à tous les documents qui correspondent aux caractéristiques logiques définies par l’usager : inclusion ou exclusion de certains mots ou familles de mots; de dates; volume des archives et toutes les combinaisons possibles avec des opérateurs booléens.  

Personnes volontairement publiques : ce concept fait référence aux fonctionnaires publics (charges électives ou hiérarchiques) ou à des particuliers qui ont volontairement joué un rôle dans des affaires d’intérêt public (dans cette hypothèse spécifique, la renonciation manifeste et indubitable de leur renoncement à un aspect précis de leur intimité est nécessaire).  

Anonymiser : Traitement de données à caractère personnel qui empêche que l’information disponible puisse être associée à une personne déterminée ou déterminable.

[Portées]

1.– Les règles ci-dessus sont des recommandations concernant uniquement la diffusion par Internet ou par tout autre format électronique des décisions jurisprudentielles et  de l’information judiciaire. Elles ne s’appliquent donc pas à l’accès aux documents dans les services judiciaires ni aux éditions sur papier.  

2.– Ces règles constituent le standard minimal en matière de protection des droits à l’intimité et à la vie privée; ainsi les autorités judiciaires, les particuliers, les organisations ou les entreprises qui diffusent l’information judiciaire par Internet pourront-ils utiliser des procédés de protection plus rigoureux.  

3.– Bien que ces règles aient été conçues à l’adresse des sites Internet des Pouvoirs Judiciaires, elles s’appliquent aussi –compte tenu de la source d’information– aux fournisseurs commerciaux de jurisprudence ou d’information judiciaire.  

4.– Ces règles n’incluent aucun procédé formel d’adhésion personnelle ou institutionnelle et leur valeur est limitée à l’autorité de ses fondements et de sa portée positive.  

5.– Ces règles prétendent être, de nos jours, la meilleure alternative ou un point de départ pour atteindre un équilibre entre transparence, accès à l’information publique et droits à la vie privée et à intimité. Dans l’avenir, son entrée en vigueur et son autorité pourraient être conditionnées par de nouveaux développements technologiques ou de nouveaux cadres régulateurs.

 

Hérédia, le 9 juillet 2003  

 

Recommandations approuvées lors du séminaire Internet et Système Judiciaire, tenu dans la ville d’Hérédia (Costa Rica), les 8 et 9 juillet 2003, avec la participation des pouvoirs judiciaires, et d’organisations de la société civile et de professionnels universitaires d’Argentine, Brésil, Canada, Colombie, Costa Rica, Equateur, le Salvador, Mexico, République Dominicaine et Uruguay.  

 


NOTES (Elles synthétisent les documents préparatoires, elles ne font pas partie des Règles)

[1] Presque aucun site Internet d’un Pouvoir Judiciaire n’a défini la finalité de la conservation et de la diffusion de l’information. Les lois sur la Transparence de Michoacán et Sinaloa (Mexico) nous obligent à définir cette notion. La référence la plus importante est la Recommandation Nº R (95)11 du Comité des Ministres de l’Union Européenne selon laquelle l’objectif est :

- de faciliter la tâche des professions juridiques en fournissant des renseignements prompts, complets et à jour;

- de renseigner toute personne intéressée par une question de jurisprudence;

- de rendre publiques plus rapidement des décisions nouvelles, particulièrement dans les domaines du droit en évolution;

- de rendre publiques un plus grand nombre de décisions intéressant tant le domaine normatif que le domaine factuel (quantum des indemnités, des pensions alimentaires, des peines, etc.);

- de contribuer à la cohérence de la jurisprudence (sécurité de droit - «Rechtssicherheit») sans toutefois introduire de rigidité;

- de permettre au législateur de faire des analyses de l'application des lois;

- de faciliter les études sur la jurisprudence;

[2] Cette règle est fondée sur la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (Québec, Canada), par son article 24. « L'utilisation de fonctions de recherche extensive dans un document technologique qui contient des renseignements personnels et qui, pour une finalité particulière, est rendu public doit être restreinte à cette finalité ».

[3] La règle s’inspire de l’article 8.1 de la Directive 95/46/CE du Parlement Européen et du Conseil de l’Europe ainsi que des lois qui définissent des données sensibles en Argentine (art. 2), au Chili (art. 2.g.), au Panama (art. 4), au Paraguay (art. 4) et des projets du Costa Rica, de l’Équateur, du Mexique et de l’Uruguay. Voir aussi la Délibération 01-057 du 29 novembre 2001 de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés qui estime qu’il serait souhaitable:

                (1) que les éditeurs de bases de données de décisions de justice librement accessibles sur des sites Internet s'abstiennent, dans le souci du respect de la vie privée des personnes physiques concernées et de l'indispensable "droit à l'oubli", d'y faire figurer le nom et l'adresse des parties au procès ou des témoins;

(2) que les éditeurs de bases de données de décisions de justice accessibles par Internet, moyennant paiement par abonnement ou à l'acte ou par CD-ROM, s'abstiennent, à l'avenir, dans le souci du respect de la vie privée des personnes concernées, d'y faire figurer l'adresse des parties au procès ou des témoins.

[4] La protection des enfants et des adolescents est abordée unanimement dans toutes les législations d’Amérique Latine. Beaucoup de pays ont leurs propres catégories de données sensibles, d’autres sont en train de les développer dans de nouveaux projets de lois. Dans certains cas, les données protégées sont plus nombreuses, comme les « attitudes personnelles » au Panama ou les «casiers judiciaires» dans le projet du Costa Rica. De plus, dans certains pays la jurisprudence constitutionnelle est très riche.

[5] Par exemple la Loi sur le Syndrome d’Immuno Déficience Acquise (SIDA) (Argentine) –article 2 (d) et (e)– restreint la publication des noms des porteurs du VIH, la Loi sur l’expression et la diffusion de la pensée (République Dominicaine) « Article 41. Il est interdit de publier tel quel l’acte d’accusation du Ministère public et les autres actes de jugements criminels ou correctionnels avant qu’ils n’aient été lus en audience publique » et d’autres Lois de Presse restreignent la publication d’accusations pénales (par exemple Mexico (art. 9) incluant les jugements en matière de divorces et de recherche de paternité)

[6] Voir l’Accord de la Suprema Corte de Justicia de la Nación (Assemblée plénière) 9/2003 (Argentine) (du 27 mai 2003) qui défini les organes, critères et procédures institutionnelles pour la transparence et l’accès à l’information publique de ce tribunal supérieur :

Article 41. Les sentences exécutoires de la Cour Suprême constituent des décisions à caractère public et seront diffusées par tout support, imprimé ou électronique ou par tout autre média issu de l’innovation technologique qui en permettrait la diffusion.

Article 42. Afin de respecter le droit à la vie privée des parties au procès, en rendant publiques les décisions de justice, il faudra éliminer les données personnelles qu’elles contiennent, s’il s’agit d’informations réservées selon les termes définis par la Commission. Et ce sans préjudice des recours portés devant la juridiction de cette cour suprême, et avant que la décision de justice ne soit rendue, les parties au procès pourront s’opposer à la publication de ces données, vis-à-vis des tiers, ce qui les rendra confidentielles.

Dans tous les cas, pendant une période de douze ans comptée à partir de l’entrée en vigueur de cet Accord, d’après les termes des articles 13, alinéa IV, et 15 de la Loi, les dossiers concernant des affaires de nature pénale ou familiale constituent des informations réservées ; de ce fait, dans les médias où seront publiées de telles décisions de justice il faudra supprimer les données personnelles des parties au procès.

Dans les affaires relèvant de ce Haut Tribunal, d’une nature autre que pénale ou familiale, dans la première décision qui sera rendue, il faudra faire connaître aux parties leur droit d’opposition à la publication de leurs données personnelles, et leur préciser que l’absence d’opposition implique leur consentement à ce que la sentence soit publiée sans suppression de leurs données personnelles.

Ces restrictions à la diffusion des sentences de ce Haut Tribunal ne sont pas valables pour les personnes qui, selon les dispositions de la législation applicable, peuvent légitimement en solliciter des copies.

[7] La Déclaration de principes sur la liberté d’expression de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme de l’O.E.A. utilise le concept de «personnes volontairement publiques» : «10. Les lois sur la protection des renseignements personnels ne doivent ni empêcher ni limiter la recherche et la diffusion d’information d’intérêt public.  La protection de la réputation doit être garantie seulement par le biais de sanctions civiles, dans les cas où la personne lésée est un fonctionnaire public ou une personne publique ou un particulier qui a volontairement joué un rôle dans des affaires d’intérêt public.  En outre, dans de tels cas, il doit être établi que par la diffusion des avis, le communicateur avait l’intention d’infliger un dommage, qu’il était pleinement conscient de diffuser des informations fausses ou qu’il a fait preuve de négligence manifeste dans la recherche de la vérité ou de la fausseté de ces informations»

[8] Cette règle coïncide presque point par point avec l’article 8.5 de la Directive 95/46/CE du Parlement Européen et du Conseil et elle est conforme à la plupart des lois nationales sur les registres pénaux et avec la jurisprudence constitutionnelle.

[9] On pourrait aussi considérer les « édits » (par exemple, on trouve couramment des édits où l’un des parents est cité pour autoriser des enfants ou des adolescents à voyager à l’étranger, les édits contiennent les données personnelles des enfants et des parents et de plus, ils sont facilement accessibles dans les sites Internet des journaux).

[10] Dans le cas des personnes juridiques (morales) on cherche à éviter la diffusion d’informations sur la propriété industrielle ou des secrets commerciaux. Pour les moda operandi, le standard est celui qui ressort  des commentaires portant sur des délits qui demandent une certaine sophistication (par exemple enlèvements ou escroqueries).


recherche appuyé par le
Centre de recherches pour le développement international
, Canada